4ème rapport des ONG à l'attention du Comité des droits de l'enfant de l'ONU
Des lacunes subsistent dans la mise en œuvre des droits de l’enfant
Le rapport des ONG réalisé par le Réseau suisse des droits de l’enfant expose le point de vue de plus de 50 organisations de la société civile sur la mise en œuvre de la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant. Il a été présenté au Comité des droits de l'enfant de l'ONU en juin 2021. Le rapport relève que la Suisse a encore des efforts à faire pour que les droits de l’enfant soient entièrement mis en œuvre.
Un manque de données
Disposer de données pertinentes et détaillées sur la mise en œuvre des droits de l’enfant est très important pour identifier et résoudre de manière ciblée des lacunes, des abus et d’éventuelles discriminations de certains groupes d’enfants. Des approches et des concepts différents d’un canton à l’autre rendent difficiles les comparaisons sur des sujets importants liés aux droits de l’enfant. Le Réseau suisse des droits de l’enfant demande par conséquent des données comparatives valables pour l’ensemble de la Suisse. Celles-ci devraient donner des renseignements sur la protection, le développement et la participation des enfants et des jeunes en Suisse.
Particularismes cantonaux au détriment des enfants
De nombreux enjeux dans le domaine des droits de l’enfant, dont la protection de l’enfance, sont du ressort des cantons. Dans son rapport sur la mise en œuvre des recommandations de 2015 du Comité des droits de l’enfant, le Conseil fédéral a affirmé qu’il était impératif d’œuvrer à une meilleure coordination entre les responsables cantonaux lors des interventions pour la protection des enfants. Cette coordination n’est pas mise en œuvre dans tous les cantons. Les mesures prévues sont toutefois insuffisantes, et les moyens financiers et ressources humaines nécessaires font défaut jusqu’à ce jour. Le Conseil fédéral est opposé à une stratégie globale de protection des enfants contre la violence. Concrètement, cela signifie que la possibilité des enfants et des parents de bénéficier de prestations de soutien facilement accessibles ou d’obtenir une aide rapide et compétente lorsque le bien-être de l’enfant est mis en danger, dépend du lieu de domicile ou de la situation socio-économique de la famille. Les droits des enfants et des jeunes devraient être exercés de manière homogène dans l’ensemble de la Suisse. Une stratégie nationale est nécessaire dans les domaines de la prévention de la violence, de l’accès aux prestations de soutien pour les familles, de la qualité de l’hébergement dans les foyers et des conditions de placement.
La voix des enfants doit être entendue
De nombreuses procédures administratives et judiciaires concernent directement les enfants. Le droit de participation des enfants, conformément à l’art. 12 CDE, doit être garanti dans toutes les procédures (p. ex. divorces, protection de l’union conjugale). A l’heure actuelle, les enfants ne sont de loin pas entendus dans toutes les procédures, bien que le Code civil exige explicitement que les enfants soient auditionnés dans les procédures de droit de la famille. L’autorité parentale conjointe étant désormais la règle, la pression augmente sur les enfants pour répondre aux attentes des deux parents. Souvent, les tribunaux entretiennent une conception conservatrice des meilleures conditions de développement au sein des familles, et les besoins (relationnels) des enfants sont ignorés, de même que leurs déclarations. Il n’existe pas à l’heure actuelle d’instance à laquelle les enfants pourraient s’adresser lorsqu’ils ne sont pas pris en considération dans une procédure, n’ont pas été entendus ou que leurs droits aient été bafoués d’une autre manière. Le Parlement a adopté une motion demandant la création d’un bureau de médiation pour les droits de l’enfant. Dans le domaine de l’asile et de la migration, le droit des enfants à prendre part aux procédures est mis en œuvre de manière également insuffisante.
260'000 enfants proches du seuil de pauvreté
L’Office fédéral de la statistique estime qu’en Suisse, 108'000 enfants sont directement touchés par la pauvreté. 155'000 autres enfants vivent dans des conditions de précarité, tout juste au-dessus du seuil de pauvreté. Les enfants qui grandissent dans la pauvreté sont marqués par la précarité matérielle, l’exclusion sociale et ont des chances moindres en termes de formation. Les conditions de départ défavorables ne peuvent plus s’améliorer ni être compensées par la suite. En conséquence, les enfants restent souvent pauvres également à l’âge adulte. Les causes de la pauvreté des enfants sont les coûts élevés de la vie, les bas revenus des parents et le manque de possibilités de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Pour que les enfants ne grandissent pas dans la pauvreté, les familles défavorisées doivent être soutenues dans toute la Suisse. Des prestations familiales complémentaires, comme celles introduites avec succès par certains cantons, devraient être de vigueur dans l’ensemble du pays.
Les enfants réfugiés sont dans une situation particulièrement difficile
La situation est particulièrement difficile pour les enfants réfugiés. Un hébergement adapté aux enfants et aux familles n’est pas garanti partout. Des espaces adaptés aux enfants font défaut dans les centres d’accueil pour requérants d’asile, de même que des moyens d’encouragement de l’enfance, de jeu pour les petits enfants et de soutien aux parents.
Plus de la moitié des requérants d’asile mineurs souffrent de troubles psychiques. Les enfants réfugiés sont aussi fortement défavorisés dans l’accès à l’éducation. Le Réseau suisse des droits de l’enfant demande par conséquent que la Confédération et les cantons se chargent d’assurer un hébergement adapté aux familles et aux enfants ainsi que la prise en charge des enfants réfugiés. Des directives contraignantes sont nécessaires à cet effet, ainsi qu’un examen régulier de leur mise en œuvre. Les enfants réfugiés doivent par ailleurs pouvoir bénéficier d’offres facilement accessibles dans le domaine du soutien psychosocial. Indépendamment de leur statut de séjour, les enfants réfugiés doivent avoir accès à la scolarité obligatoire et à la formation post-obligatoire.
La violence existe au quotidien dans les familles suisses
L’article 19 de la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant stipule qu’aucune forme de violence à l’encontre des enfants ne peut être justifiée. Malgré tout, aujourd’hui la moitié des enfants vivant en Suisse a enduré de la violence physique et/ou psychique durant leur éducation. Un enfant sur cinq est même confronté à des violences graves. Contrairement à de nombreux Etats voisins en Europe, il n’y a pas en Suisse d’interdiction explicite de l’usage de la violence au sein de la famille. Par ailleurs, il existe d’importantes différences d’un canton à l’autre, en ce qui concerne les offres et les prestations en matière de prévention et de détection précoce de la violence. C’est pourquoi, le droit à une éducation sans violence doit être ancré dans le Code civil. L’engagement de la Confédération doit en outre être renforcé dans les domaines de l’aide à l’enfance et à la jeunesse et dans le domaine de la protection de l’enfance et de la jeunesse.
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Quatrième rapport des ONG à l’attention du Comité des droits de l’enfant de l’ONU
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Communiqué de presse du 8 juin 2021