Réseau suisse des droits de l'enfant
Maternité de substitution : intérêt supérieur de l’enfant contre ordre public ?
Le tribunal fédéral a refusé que le partenaire enregistré du père biologique d’un enfant né en Californie d’une mère porteuse puisse s’enregistrer comme parent.
Il justife sa décision dans un communiqué de presse en avancant le fait que la reconnaissance de l’inscription américaine de l’homme n’ayant aucun lien biologique avec l’enfant comme père est fondamentalement incompatible avec les jugements de valeur juridique et éthique prévalant en Suisse (ordre public). Le Tribunal argumente qu’en Suisse, toutes formes de gestation pour autrui sont interdites par la Constitution, tout comme la Suisse exclut l’adoption des enfants du partenaire enregistré. Le rejet de la réquisition d’inscription d’un deuxième père ne fait naître aucune insécurité juridique pour l’enfant du point de vue de son droit à une filiation et à une vie familiale prévu par l’art. 8 de la Convention européenne des droits de l’homme selon le Tribunal fédéral. Le père biologique est connu, et du fait du lien de filiation qui le lie à l’enfant. La possibilité pour ce dernier de demeurer en Suisse et au sein de la famille en question est également garantie.
Contrairement au Tribunal fédéral, le Tribunal administratif du canton de St-Gall avait reconnu les deux hommes comme pères, étant donné que la situation de départ exige la reconnaissance de la relation familiale dans l’intérêt supérieur de l’enfant et l’intérêt d’une situation juridique claire et unifiée. L’Officie fédéral de la Justice avait alors transféré le cas au Tribunal fédéral.
La maternité de substitution est également un sujet des Concluding Observations du Comité des droits de l’enfant du 4 février 2015 destinées à la Suisse. Le Comité note que la Suisse interdit la gestation pour autrui et vise à décourager les arrangements avec des mères porteuses à l’étranger. Il est toutefois préoccupé par le caractère incertain du statut juridique de l’enfant pendant la période d’évaluation d’un an préalable à une éventuelle adoption. Il recommande d’accélérer la procédure d’évaluation et de veiller à ce que l’enfant ne soit pas apatride ou ne fasse pas l’objet de discriminations pendant la période d’attente allant de son arrivée dans l’Etat partie à son adoption officielle. Par ailleurs la Suisse doit veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit la considération primordiale dans la décision relative à son adoption (recommandations n° 46 et 47).
Dans une analyse complète sur la maternité de substitution vue de la perspective des droits humains, le Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) souligne que les droits de l’enfant doivent être respectés en premier lieu. En particulier le droit de connaître ses origines (art. 7 CDE), le principe général de l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les procédures qui le concernant (art. 3 CDE), le droit d’acquérir une nationalité (art. 7 CDE), tout comme l’art. 9 CDE selon lequel l’enfant a le droit de ne pas être séparé des parents, sauf en dernier recours, lorsque son bien-être est menacé.
Pour plus d’informations :
Rapport du Conseil fédéral du 29 novembre 2013 sur la maternité de substitution
Interpellation 14.3742 « Encadrer la maternité de substitution » de Jacqueline Fehr